"Parfois votre CEV est rassurant, votre bankroll un peu moins."

Chapitre 5 : Pourquoi vos courbes vous mentent ?

Ce chapitre va vous expliquer pourquoi, au poker et particulièrement en Spin, il faut se méfier des apparences.

Écrit par Gandalf, joueur pro en Expresso, co-fondateur de Poker Sciences.

Vous avez maintenant une bonne maîtrise de la structure des Spin, du rake, du CEV, et vous vous sentez prêt à vous lancer.

Vous jouez pendant deux semaines et puis, il se passe ça :

bankroll downswing image on Poker Tracker 4

Aïe, votre budget poker part en fumée. Poker Sciences vous aurait donc trompé ?

⏪  Petit spoiler : ce graphique est un extrait d’une série de parties que j’ai jouées en 2023, en 10€, avec un CEV de plus de 60. Cela montre à quel point cette situation est réelle et que cela peut vous arriver même si vous êtes un joueur gagnant.

Mais ce graphique vous trompe et pour une raison simple : au poker, que vous jouiez en MTT, en Spin, ou même en Cash-game, vos résultats à court terme ne reflètent pas nécessairement votre véritable niveau. Il est humain de douter, de vouloir ajuster son jeu après une série de défaites. Pourtant, la pire erreur serait de modifier une stratégie gagnante simplement parce que la variance vous joue des tours.

En Spin & Go, il n’est pas rare de subir des swings de 20 à 60 buy-ins, même en jouant parfaitement.

👈  Rappelez-vous de ce que l’on avait vu au chapitre précédent : à cause de la variance, il faut plus d’un millier de parties pour avoir une idée relativement claire de son CEV et donc de son niveau de jeu. Et bien pour votre bankroll c’est la même chose. Même si vous êtes un bon joueur, la variance peut vous faire perdre (beaucoup) à court terme...

Trois profils de joueurs : L’exemple des courbes

Pour mieux illustrer ce phénomène, observons maintenant trois profils de joueurs à travers leurs courbes de résultats.

Ces courbes simulent ce que pourraient obtenir 3 joueurs de Spin de niveau différent, sur 200 parties.

📊  Ces simulations ont été réalisées avec Swongsim (vous commencez à avoir l’habitude). Pour chaque profil de joueur, elles donnent un exemple de ce qui pourrait se passer dans la réalité. Avec la courbe rouge 🟥 : le nombre de buy-ins que le joueur aurait du gagner (ou perdre) et la courbe verte 🟩 : ce qui s’est réellement passé (à cause de la variance).

Elles montrent à quel point la variance peut donner une fausse impression de succès ou d’échec : un joueur gagnant peut connaître une période de pertes, tandis qu’un joueur perdant peut temporairement afficher des gains. Ces scénarios, aussi contre-intuitifs soient-ils, sont pourtant bien réels et doivent être compris pour ne pas se laisser berner par la variance.

1. Le joueur “perdant”

Le joueur "perdant" est le plus courant. C’est ce qu’on appelle un "fish". Ce joueur croit souvent qu’il est bon, ou du moins qu’il a un niveau décent. Sur un échantillon de 200 spins, il pourrait paraître "gagnant", mais sur le long terme, ses erreurs finiront par se payer.

bad poker player but winning money chart
Sur ces 200 parties, ce joueur aurait dû perdre 19 buy-ins (courbe rouge), mais par chance il en a gagné 20 (courbe verte).

2. Le joueur "breakeven"

Le joueur breakeven est un joueur qui a appris à jouer correctement aux Spin, mais qui ne cherche pas activement à progresser. C’est typiquement le cas d’un régulier qui connaît un peu les codes des Spin, mais qui ne cherche pas à approfondir sa stratégie (un "reg fish").

breakeven poker player but winning money chart
Le joueur breakeven n'échappe pas aux swings non plus. Comme vous pouvez le constater, il peut rapidement gagner ou perdre 25 buy-ins.

3. Le joueur “gagnant”

Le joueur "gagnant" est celui qui sait jouer de manière optimale, un véritable régulier des Spin. Ce type de joueur se distingue en évitant les erreurs majeures et en maîtrisant bien les stratégies de jeu. À mesure que l'on monte en limites, ces joueurs deviennent de plus en plus visibles, en particulier à partir des 5€, et plus encore en 10€ et 20€.

Cependant, même les bons joueurs peuvent se retrouver avec une courbe très négative à court terme à cause de la variance. Ce genre de variance fait partie du quotidien d’un joueur de Spin.

📈  Le bon côté des choses, c’est qu’à long terme, il finira toujours par être rentable. À condition qu’il parvienne à maintenir un bon niveau de jeu lorsqu’il perd à répétition (nous reparlerons plus tard de la "gestion mentale") et qu’il ne se "broke" pas (c’est-à-dire qu’il maintienne toujours une bankroll positive, mais nous reparlerons aussi de cet aspect plus tard).
winning poker player but loosing money chart
Ce joueur gagnant est vraiment dans une mauvaise passe...

Bilan : À court terme, la variance masque tout

Ce qu'il faut retenir pour l'instant, c'est qu'à court terme, il est IMPOSSIBLE de juger de la véritable rentabilité d’un joueur juste en regardant sa courbe de gains.

C’est d’ailleurs un piège dans lequel beaucoup de joueurs tombent, pensant que leurs pertes ou gains à court terme sont directement liés à la qualité de leur jeu, alors qu’il s’agit souvent de la simple volatilité.

⏳  Le CEV est toujours un indicateur plus fiable que votre bankroll mais comme nous l’avons vu au chapitre précédent, même pour connaître votre CEV, un (très) grand nombre de parties est nécessaire.

Alors, peut-on grinder les Spin malgré cette variance ?

Avant d’aborder cette question en détail dans le prochain chapitre, voici un aperçu de la suite du graphique que je vous ai montré au début de ce chapitre :

winning spin poker player bankroll
Vous reconnaissez les 1400 premières parties jusqu’à -500€ ?

Ce graphique illustre bien le fait que sur une période prolongée, même avec la variance, un joueur avec un bon niveau finira toujours par dégager des bénéfices.